Si le recours aux combustibles fossiles demeurera toujours d’actualité, les ambitions d’exploitation de la roche mère dans d’autres pays, en dehors des Etats-Unis et du Canada qui s’y sont déjà engagés, doit tenir compte de plusieurs facteurs, selon un rapport publié jeudi, 24 mai
D’ici 2040, les combustibles fossiles représenteront encore plus de deux tiers de la demande mondiale d’énergie. Le gaz en particulier pourrait devenir la deuxième source dans le mix énergétique mondial d’ici cette période. En dépit du discours climatique sur le désinvestissement dans les énergies fossiles, il faudra donc encore compter sur elles et sur les différentes techniques utilisées pour les produire, dont la fracturation hydraulique pour le gaz de schiste.
C’est le constat qui a conduit la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (Cnuced), à consacrer, jeudi 24 mai, une édition spéciale sur le gaz de schiste, dans sa série Coup d’Œil sur les produits de base.
« Etant donné que l’énergie est nécessaire pour éliminer la pauvreté et stimuler le développement, les pays potentiellement riches en gaz de schiste devraient être informés des avantages et des inconvénients liés à son exploitation avant de prendre des décisions sur l’élaboration des politiques relatives à leur bouquet énergétique à court-terme », explique Mukhisa Kituyi, secrétaire général de la Cnuced.
L’institution inscrit le développement du gaz de schiste et des autres ressources dans l’Objectif de développement durable (ODD) 7, qui vise à garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable.
La fracturation hydraulique, méthode décriée d’extraction du gaz naturel à partir des formations de roche mère, doit être envisagée “avec précaution” par les pays qui cherchent à accroître leur accès à l’énergie, avertit la Cnuced.
« Le manque de connaissances concernant la géologie locale et notamment la présence des aquifères, l’absence de “permis social d’exploitation” et un environnement réglementaire inadéquat pourraient constituer des obstacles majeurs au recours à la fracturation hydraulique comme méthode d’extraction du gaz de schiste », étaye l’organe subsidiaire de l’assemblée générale des Nations Unies.
Alors que le gaz conventionnel est extrait à partir de roches perméables dites “de couverture”, l’exploitation de gaz de schiste n’est possible qu’en allant directement chercher les hydrocarbures piégées au cœur de la roche mère.
La technique consiste à injecter un mélange de fluide (généralement de l’eau), de sable et d’additifs chimiques sous haute pression dans des roches peu perméables afin de les fracturer pour libérer le gaz. Le mélange de gaz ou d’huile remonte à la surface ainsi qu’une partie de l’eau et des additifs injectés.
La fracturation hydraulique – technique généralement déployée – utilise de grandes quantités d’eau et induit des risques de contamination des eaux souterraines et de surface à cause de la remontée du fluide injecté dans le puits. La fracturation génère aussi des fois des tremblements de terre à faible intensité.
“La distinction entre gaz conventionnel et gaz non conventionnel ne repose pas sur leur composition intrinsèque. Les deux formes sont du gaz naturel essentiellement constitué de méthane (CH4) à 70–90 pour cent et d’autres hydrocarbures plus lourds (butane, éthane ou propane, par exemple). Leurs différences résident essentiellement dans les caractéristiques des réservoirs qui les contiennent, ainsi que dans les techniques de production nécessaires à leur extraction”, explique Alexandra Laurent, statisticienne auprès du Service des produits de base de la CNUCED, rédactrice du rapport.
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Selon l’étude, les inquiétudes relatives à l’eau sont au cœur des principales critiques émises à l’encontre des activités sur le gaz de schiste.
Pour illustration: “la consommation d’eau moyenne pour fracturer un puits de 10 segments est estimée à environ 15 millions de litres, soit 15 000 mètres cubes (soit cinq piscines olympiques, environ). En considérant le nombre total de puits fracturés entre 2000 et 2015 aux États-Unis [300 000 puits environ] – sans tenir compte des opérations de refracturation qui sont considérées comme étant davantage consommatrices d’eau que l’ensemble des opérations initiales – la consommation d’eau totale équivaudrait au cinquième de la consommation de la ville de New York sur la même période”, explique l’auteure du rapport.
L’exploitation commerciale de gaz de schiste reste limitée pour le moment aux Etats-Unis et au Canada, même si la ressource est disponible dans plusieurs pays. Des investissements sont actuellement menés en Argentine et en Chine, deux pays qui possèdent d’importantes ressources.
Le gaz de schiste, gaz naturel, “offre des avantages et des inconvénients” en tant “qu’énergie de transition” entre le charbon et le pétrole et les énergies renouvelables, souligne le rapport.
Considéré comme moins polluant, il n’en demeure pas moins que c’est un combustible fossile, le moins nocif.
D’après la Cnuced, tous les pays ne pourront pas développer le gaz de schiste comme les Etats-Unis, en tenant compte des conditions géologiques locales propres à chaque territoire.