A l’occasion du changement d’équipe dirigeante à la tête de cette structure publique, Energies Media présente son rôle, à travers quelques exemples pris dans l’actualité
Entre juillet 2014 et février 2016, lorsque le cours du baril de Brent chute de plus de 65 %, – passant de 110 à 35 dollars par baril – les principaux pays producteurs de pétrole voient leurs finances se contracter. Au Cameroun par exemple, sur cette période, la Société nationale des hydrocarbures (SNH), qui a pour mandat de vendre les bruts produits sur le territoire national, reverse en conséquence moins de ressources au Trésor public.
Mais, situation presque paradoxale, au Cameroun, une autre entreprise publique, la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), prend une bouffée d’air avec cette situation et se frotte les mains.
Et pour cause! La CSPH n’est compétente que dans le cadre du secteur pétrolier aval, celui consacré au transport et à la distribution des produits pétroliers; par opposition au secteur amont (exploration et forage).
L’entreprise publique a été créée le 10 mai 1974, au lendemain du premier choc pétrolier, qui avait occasionné une augmentation – orchestrée par l’OPEP – de plus de 70% des prix du baril de pétrole. Le Cameroun, ne disposant d’aucune raffinerie à l’époque – la Sonara ayant été créée en 1973 pour n’être fonctionnelle qu’en 1981 – avait subi de plein fouet cette hausse brutale en voyant sa facture énergétique augmenter considérablement.
Le gouvernement avait alors décidé de créer une sorte d’organisme tampon qui permettrait de faire en sorte que les différentes fluctuations sur le marché international ne soient pas ressenties sur le marché national. Le rôle a été dévolu à la CSPH.
Moins-values et plus-values
La CSPH élabore chaque mois une structure des prix des carburants dans laquelle elle fixe les prix pour le super, le pétrole et le gasoil à la sortie de la Sonara et ensuite à la sortie des dépôts de la SCDP, unique stockeur sur le territoire national. A la sortie de la Sonara, le litre de chaque carburant est imposé, entre autres taxes, d’une somme correspondant au “soutien/remboursement de l’Etat”, qui va généralement à la CSPH. La structure des prix de la CSPH fixe des prix recommandés de chaque carburant en gros et en détail jusqu’à l’arrivée dans les stations-services.
La CSPH fonctionne ainsi avec les systèmes des moins-values et des plus-values. Si l’importation d‘un produit est élevé une fois rendu dans les stations-service par rapport au prix recommandé par le gouvernement, alors la CSPH compense le manque à gagner pour l’importateur en lui recommandant des prix. Ce sont les moins-values. Dans le cadre des plus-values, si le prix est plus bas que le prix réel dans les stations-service, cette plus-value constitue les réserves de la CSPH. Mais quand les cours remontent considérablement sur le marché international, l’entreprise est encore obligée de sortir de l’argent.
Lire aussi: Cameroun: le profil des nouveaux dirigeants de la CSPH
A partir des années 2000, la CSPH a cessé de subventionner une bonne partie des carburants, se concentrant sur le gaz domestique et déléguant le rôle pour les autres produits (pétrole, super, gazoil) au ministère des Finances. Avec la hausse continue des cours, l’entreprise n’arrivait plus à supporter les subventions.
Le Cameroun applique des prix sans subvention à la pompe depuis l’année 2015, grâce à la chute des cours enregistrée à l’été 2014. La situation est, depuis, favorable à la CSPH, qui continue néanmoins de subventionner le gaz domestique.
La Sonara produit seulement 20% du gaz domestique du marché, le reste étant importé. Elle importe du pétrole brut léger qu’elle raffine pour la consommation locale, et exporte le pétrole produit sur le territoire, qui a les caractéristiques d’être un brut lourd et acide qui ne sied pas à ses équipements actuels.
Péréquation
Dans le cadre de la régulation des prix des hydrocarbures, la CSPH assure aussi une harmonisation des prix appliqués dans les différentes stations service sur l’étendue du territoire national, à travers un mécanisme dit de “péréquation de transport”.
Lors de la sortie des produits pétroliers des dépôts de la SCDP, unique stockeur détenu majoritairement par l’Etat (51%), la CSPH s’assure que les prix fixés soient les mêmes pour les différentes villes du pays. Sur chaque litre de super, pétrole ou gasoil qui sort du dépôt, il est appliqué une taxe de “péréquation de transport” qui est reversée à la CSPH. Les distributeurs qui assurent la livraison dans des zones éloignées des grandes villes et des principaux dépôts pétroliers reçoivent une compensation pour maintenir le prix fixé à la sortie du dépôt.
La CSPH accorde donc des ressources en fonction de l’éloignement de la zone de distribution. En général, entre ce que les distributeurs reversent à la CSPH, et ce que la CSPH reverse aux distributeurs au titre de la péréquation, il y a un gap et c’est ce gap qui alimente le budget de l’institution.
Le système tient parce qu’il y a plus de consommateurs dans les deux principales villes que sont Yaoundé et Douala et qui disposent donc de dépôts.
Le secteur pétrolier a été libéralisé au Cameroun depuis le début des années 2000. Les distributeurs pourraient en réalité appliquer les prix qu’ils veulent mais le gouvernement continue à regarder ce secteur de près estimant que les consommateurs ne pourraient pas supporter les changements de prix réguliers induits par les fluctuations sur le marché international.
A travers les différentes formules proposées par la CSPH aux fournisseurs/importateurs et aux distributeurs, les acteurs du secteur pétrolier semblent encore bien jouer le jeu sur le terrain.