Transport du pétrole: N’Djamena ne digère pas le rachat par le Cameroun de parts de Savannah Energy dans COTCO




Ayant appris la transaction entre la Société Savannah Energy, société avec laquelle le gouvernement tchadien a un contentieux, la présidence du Tchad a décidé du rappel de son ambassadeur au Cameroun

 

Le secrétaire général de la présidence du Tchad, Dr Gali Ngothé Gatta, a signé, jeudi 20 avril 2023, un communiqué annonçant le rappel de son ambassadeur au Cameroun, suite à des différends persistants entre les deux pays. 

L’un des motifs principaux, d’après le communiqué, est cette annonce faite le 20 avril par la société Savannah Energy sur la cession de 10% des actions de COTCO à la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun (SNH), pour un montant de 44,9 millions de dollars américains (26,8 milliards de FCFA). La transaction permet à la SNH de porter ses parts dans COTCO à 15,17% (contre 5,17% avant la transaction). Les parts de Savannah Energy – via sa filiale Savannah Midstream Investment Limited  (SMIL) – dans COTCO sont quant à elles réduites à 31,06% (contre 41,06% avant la transaction). 

Cameroon Oil Transportation Company (COTCO), est une société spécialisée dans le transport du pétrole brut et exploitant spécifiquement un grand linéaire du pipeline Tchad-Cameroun, infrastructure mise en service en juillet 2003 et qui couvre une distance de 1080 km, dont environ 903 km au Cameroun. L’oléoduc permet d’acheminer le pétrole produit dans les champs du sud du Tchad vers la côte camerounaise (Kribi) pour exportation vers les marchés internationaux. Le pipeline Tchad-Cameroun est donc exploité côté camerounais par COTCO et côté tchadien par Tchad Oil Transportation Company (TOTCO). Les deux entités étaient gérées comme des filiales du groupe américain ExxonMobil avant la cession de ses actifs dans le Projet de développement Tchad/Cameroun, le 09 décembre 2022, à la société britannique Savannah Energy, active aussi au Nigéria et au Niger. 

Préemption

La transaction entre la SNH et Savannah Energy passe mal au Tchad parce que le gouvernement est en conflit avec cette société depuis le rachat par Savannah Energy des actifs d’Esso Exploration and Production Chad (filiale d’ExxonMobil) dans les champs pétroliers tchadiens et dans les sociétés exploitant le pipeline. Le Tchad a fait valoir le fait que Esso n’aurait pas respecté le droit de préemption (droit conféré par la loi ou par un contrat d’acquérir un bien par préférence à tout autre acquéreur) de la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) selon la convention qui liait depuis 2003 la filiale d’ExxonMobil à son partenaire tchadien.

Assurant également que Savannah Energy ne dispose pas de moyens financiers et techniques permettant d’exploiter les champs de pétrole tchadiens (qui assurent 75% des revenus d’exportations du pays d’Afrique centrale), le Conseil national de transition du Tchad a adopté, le 29 mars 2023, le projet de loi portant nationalisation des actifs d’Esso dans le sud du pays; des actifs toutefois passés sous contrôle de Savannah Energy… depuis décembre 2022 et dont les négociations pour la transaction avaient été annoncées depuis le premier semestre 2021, ce qui augure d’une bataille juridique devant les tribunaux de commerce internationaux. 

Le Tchad accuse des personnalités camerounaises – sans les nommer – d’êtres impliquées dans la société Savanah Energy et en fait un problème dans la coopération bilatérale ajoutant que le Cameroun est le seul pays pour le moment au sein de la sous-région Cemac à ne pas avoir réagi conformément à la réglementation aux avis de non objection déposés auprès des services de la concurrence de la Cemac sur le rachat, par le Tchad, des parts de la société malaisienne Petronas dans le Projet de développement Tchad/Cameroun. Petronas détient 35% de ses parts dans ce projet et a décidé, comme ExxonMobil de les céder. 

Le Projet de développement Tchad/Cameroun, achevé en 2003, comprend des champs pétroliers en production dans le bassin de Doba (sud du Tchad) et le pipeline permettant d’acheminer le brut vers le terminal maritime de Komé-Kribi 1 (Sud-Cameroun) pour exportation vers les marchés internationaux. Le terminal KK1 permet d’approvisionner un navire de stockage flottant et de déchargement, à 12 kilomètres au large de la côte du Cameroun.

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