Afrique: en finir avec le tout-béton dans les constructions




Dans sa quête de modernité, le bâtiment africain s’est malheureusement coupé de sa tradition bioclimatique séculaire, un ensemble de savoir-faire qui a permis aux habitants d’affronter des climats parfois extrêmes. Aujourd’hui, sur le continent, les constructions sont souvent mal adaptées au climat chaud, thermiquement inconfortables et énergivores.

Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il est encore temps de faire mieux : d’après UN-Habitat, 80 % des bâtiments qui seront habités en 2050 ne sont pas encore construits. Et ces dernières années, architectes, entrepreneurs, ingénieurs et organismes internationaux se penchent avec passion sur la question, avec notamment des recherches dans le domaine des matériaux de construction innovants.

Architectes, ONG, chercheurs

Qu’ont en commun, Hassan Faty, Francis Kéré, Kunlé Adéyemi et David Adjaye ? Ils sont architectes, célèbres, et tous travaillent à l’émergence d’un bâtiment africain fier et bien dans sa peau. Mais ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Interview de l’architecte burkinabé Diébédo Francis Kéré (Louisiana Channel, 2014).

Nombreux sont ceux en effet qui démontrent la possibilité de construire des bâtiments mieux adaptés au climat africain, confortables sur le plan thermique et faisant appel à des matériaux locaux, économiquement abordables et respectueux de l’environnement ; et, pourquoi pas, esthétiques et modernes.

Si les architectes ont une visibilité évidente qui permet la médiatisation, que les organismes internationaux et ONG communiquent pour défendre leurs causes,
ingénieurs et chercheurs eux aussi contribuent, dans leurs laboratoires, à la recherche des matériaux de demain.

À la recherche des nouveaux matériaux

On sait ainsi grâce à leurs recherches que la terre crue régule l’humidité et que le béton (présent dans l’écrasante majorité des constructions urbaines), le verre et la tôle métallique – très utilisés en Afrique pour l’enveloppe et la toiture des bâtiments – sont des accumulateurs de chaleur.

Cette dernière caractéristique est à l’origine de l’inconfort thermique qui peut être ressenti aussi bien dans de majestueuses tours de verre que dans de modestes maisons. Et on comprend pourquoi la climatisation est autant utilisée dans un pays comme le Sénégal, où 84 % des gaz frigorifiques (HCFC et CFC) consommés le sont par des équipements de climatisation. Avec de sévères conséquences sur l’environnement.

Il faut également noter que la prédominance du matériau béton dans la construction est responsable du prélèvement intensif de sable de mer et donc d’une importante érosion côtière destructrice des plages.

Ces constats posés, le défi consiste donc à trouver une authentique alternative pour varier l’offre de matériaux sur le marché du bâtiment africain et en finir avec la toute-puissance du béton. Il s’agit de chercher, formuler, tester, se tromper, recommencer… sans oublier d’observer et de tenir compte du bon sens des pratiques populaires. En effet, si les bétons de ciment ont été inventés par des ingénieurs, l’idée de leur ajouter de l’acier pour créer le fameux béton armé si résistant a été trouvée par… un jardiner.

Le typha et après ?

La recherche sur les matériaux locaux au sein des universités et écoles d’ingénieurs africaines est bien vivante, comme en témoignent de nombreux travaux.

Ces dernières années, en Afrique subsaharienne, un matériau est ainsi l’objet de toutes les attentions : le typha, ce roseau qui envahit les lacs et constitue d’ordinaire une source de problèmes écologiques majeurs. Or il se trouve que sa structure alvéolaire lui octroie d’excellentes propriétés d’isolation et de perméabilité à l’air. Il peut donc contribuer à améliorer fortement le confort thermique des bâtiments.

Des études de formulation sont en cours. Financées par le Fonds français pour l’environnement mondial, elles devraient permettre l’utilisation du typha comme isolant et comme adjuvant au ciment et à la terre pour la construction de l’enveloppe des bâtiments. Le typha semble aujourd’hui être l’innovation la plus en vue et la plus avancée ; mais nul ne sait si elle va tenir ses promesses.

À l’heure actuelle, aucun matériau révolutionnaire ne permet encore aux habitants de Bamako – qui affiche 40 degrés sous le soleil d’avril – de profiter de leur maison bioclimatique non climatisée sans étouffer. S’agit-il d’un défaut de communication ou de disponibilité de l’information ? Existe-t-il, en dehors du typha, des pistes sérieuses (phase de prototypage ou au-delà) de matériaux innovants pour la construction de bâtiments en milieu urbain et rural en Afrique ?

The ConversationSi oui, il conviendrait de donner davantage de visibilité à ces informations pour stimuler des recherches connexes ou complémentaires et, pourquoi pas, initier des vocations. Il est grand temps d’agir : en 2050, un quart de la population mondiale – soit 2,5 milliards de personnes – habiteront sur le continent africain. Il faut se préparer à (bien) les loger…

Madiana Hazoume, Enseignante, chef de projets, responsable de la thématique « bâtiment et ville durables », ICAM

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