Au cours d’un Forum organisé à Yaoundé, le directeur adjoint chargé de la production à Eneo, Amine Homman Ludiye, est revenu sur l’interdépendance entre les segments de la production, des infrastructures de transport de l’électricité et la distribution qui relève de son ressort
La société Eneo Cameroon, filiale de l’investisseur britannique Actis et concessionnaire du service public de la distribution d’électricité, est-t-elle responsable des délestages d’électricité vécus par les ménages et certaines industries ? Que nenni! ou du moins pas aussi simple que cela, défend le directeur adjoint en charge de la production à Eneo, Amine Homman Ludiye (photo), qui a invité, mardi 21 février à Yaoundé au cours d’un Forum, à considérer la synergie entre les différents acteurs du système électrique au Cameroun.
“La question des délestages est une question complexe”, a-t-il affirmé à l’entame de son propos au cours d’un Forum sur les énergies renouvelables et les infrastructures durables. L’événement regroupait des entreprises britanniques actives dans le secteur des énergies au Cameroun et était organisé par le haut-commissariat du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord; en marge du 8e Salon international de l’entreprise, de la PME et du partenariat de Yaoundé (Promote), qui se tient dans la capitale du Cameroun depuis le 19 février et ce jusqu’au 27 février.
“On a parfois tendance à penser que c’est à la fin de la chaîne que se situe la problématique des délestages, or, en réalité, c’est parfois en amont que l’on trouve l’origine des délestages”, a-t-il présenté.
“Les problématiques qui peuvent exister dans la fourniture de l’électricité peuvent provenir soit d’un déficit de capacité de production, soit d’une saturation du réseau de transport qui fait que bien que la capacité de production soit disponible, les lignes électriques ne permettent pas d’évacuer la totalité de cette énergie, soit des problématiques liées à la distribution de l’énergie qui fait qu’au plus près du consommateur final il y ait une rupture d’alimentation”, a expliqué le DGA en charge de la production à Eneo.
Amine Homman Ludiye a illustré son propos en prenant l’exemple sur Yaoundé et le Réseau interconnecté Sud (RIS) qui dessert non seulement la capitale mais également cinq autres régions.
Yaoundé
“Dans le Réseau interconnecté Sud, a-t-il souligné, la problématique ne provient pas d’un déficit de production, ni de capacité de production, la problématique vient souvent d’une saturation du réseau de transport et d’une saturation de ce qu’on appelle les postes source, c’est-à-dire les postes qui sont en ville et qui sont l’interface entre le réseau de transport et le réseau de distribution. Bien que nous ayons une capacité de production suffisante, la saturation de ces postes source fait que pour éviter un effondrement du système, nous sommes obligés de faire des arbitrages: de délester certains départs et de privilégier certaines alimentations par rapport à d’autres, selon un programme tournant. C’est ce qui fait que malheureusement encore aujourd’hui, à Yaoundé, on a ces phénomènes de délestages que nous subissons”.
Malgré le fait qu’il n’est pas le seul producteur, Eneo détient officiellement 70% de la capacité installée du Cameroun et il assure également, en exclusivité, la distribution de l’énergie sur l’étendue du territoire.
Le transport de l’électricité a été repris en Eneo en 2018 et confié à une entité publique: la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel).
“Il y a une interaction permanente. Eneo et la Sonatrel travaillent conjointement, en coordination. Ce que Sonatrel est en train de réaliser comme investissements ce sont ces renforcements et extensions de lignes de transport, ces renforcements de postes source. Eneo, côté distribution, attend et en tout cas pourra bénéficier de ces investissements pour augmenter et limiter le nombre de délestages par la capacité du réseau de distribution à pouvoir alimenter l’ensemble de ses clients”, a-t-il déclaré.
Dans son intervention au cours du même événement, Frédéric Didier Mvondo, directeur général de Globeleq Cameroun, filiale du producteur indépendant d’électricité britannique Globeleq, a présenté la question de la qualité et la quantité des infrastructures de transport d’électricité comme une question “cruciale” pour absorber et évacuer toute l’énergie produite. Globeleq Cameroun assure 20% de l’énergie consommée au Cameroun à travers la centrale à fioul de Dibamba dans le Littoral (86 MW) et la centrale à gaz de Kribi dans le Sud (216 MW).
“Le contexte énergétique fait que nous sommes parfois obligés de faire des arbitrages pour privilégier tel ou tel type de clientèle afin d’assurer la stabilité globale du réseau […] on l’a vu pendant la Coupe d’Afrique des Nations de football […] les efforts ont été faits pour assurer au maximum cette fourniture d’électricité, mais au prix d’arbitrages. Les industriels ont beaucoup contribué à ce qu’on puisse alimenter les ménages. C’est une problématique globale qui peut être liée soit à des problématiques techniques ponctuelles soit à un équilibre global du secteur”, a mis en exergue Amine Homman Ludiye.