Par Dr. Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement
En 2016, malgré une conjoncture difficile, la croissance au Cameroun a été solide, à 4,7%, soit plus du double de la moyenne continentale établie à 2,2%, et ce, en dépit de nombreux défis, notamment le coût élevé de la lutte contre le terrorisme et les efforts déployés à cet effet, autant de facteurs défavorables que vous avez admirablement surmontés.
Le terrorisme est l’ennemi commun de l’Afrique: c’est souvent le produit de cette combinaison mortelle de la pauvreté, du chômage et de la dégradation de l’environnement que j’appelle le triangle du désastre. Nous devons nous entraider pour l’éliminer, car il menace la jeunesse africaine et met en péril l’avenir de l’Afrique.
Avec son énorme potentiel et son esprit d’entreprise très poussé, le Cameroun peut attirer de grands investissements. Mais il est essentiel de continuer à préserver la paix, la stabilité, l’inclusivité et la cohésion nationale, autant de facteurs qui doivent être sous-tendus par une gouvernance macroéconomique solide.
La Banque africaine de développement et le Cameroun entretiennent une longue relation de coopération, qui remonte à 1972 avec la construction du terminal de l’aéroport de Douala. Depuis le début de cette coopération, la Banque africaine de développement a approuvé 100 projets au Cameroun pour un montant total de 2,5 milliards de dollars. Le portefeuille actif actuel de la Banque africaine de développement au Cameroun comprend 22 projets d’une valeur d’environ 1,4 milliard de dollars. Les secteurs des transports, de l’énergie et des TIC reçoivent la plus grande partie des financements de la Banque. Ce sont des secteurs qui créent des connexions, favorisent l’intégration et entraînent le développement d’autres secteurs.
Y a-t-il meilleure façon d’améliorer le commerce que de construire un solide réseau de transport national et entre les pays et de relier leurs marchés? Les nouveaux corridors de l’énergie sont les corridors commerciaux, dans lesquels les entreprises peuvent croître et prospérer ensemble dans un environnement propice à l’entreprise.
Le Cameroun est déjà la locomotive de la sous-région qui tire et stimule la croissance, les entreprises et les marchés. Le rôle de la Banque africaine de développement consiste essentiellement à aider le gouvernement camerounais dans son excellente œuvre de construction de lignes et de corridors de transport, et donc d’intégration économique entre le Cameroun et ses voisins.
En particulier, les corridors routiers reliant le Cameroun au Nigeria, au Tchad et à la RCA doperont considérablement les échanges entre ces pays. La production camerounaise de cultures vivrières dans la région du Nord-Ouest près de la frontière avec le Nigeria a plus que triplé depuis 2007.
Le tronçon routier long de 400 kilomètres, reliant Bamenda au Cameroun à Enugu au Nigeria, fait partie du corridor routier de 6 300 kilomètres entre Lagos et Mombasa sur les côtes de l’Océan indien, un projet transformateur qui a changé la vie des riverains et des commerçants locaux.
De nombreux villages situés le long de la frontière Nigeria-Cameroun sont devenus des marchés très animés depuis l’achèvement de cet axe routier.
Andrew Tikuba, un commerçant de la région, emprunte la route tous les jours pour traverser la frontière près de Kandem afin de vendre son vin de palme. Grâce au trajet devenu plus facile et plus rapide et à un nombre de plus en plus important de personnes utilisant cet axe routier, son revenu est passé de 250 à 2 000 FCFA par jour.
La route a également permis la création d’emplois supplémentaires, puisque les propriétaires de plantations locales recrutent des ouvriers pour leurs opérations en pleine croissance.
C’est pourquoi la Banque africaine de développement salue les progrès notables accomplis par votre pays dans la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire cohérent pour les partenariats public-privés. Au vu de ces actions, la Banque est prête à accroître son portefeuille du secteur privé au Cameroun.
Avec l’appui et l’encouragement de la Banque africaine de développement, le Gouvernement du Cameroun est résolument engagé à faciliter l’accès aux services de base à ses populations. Le président Biya et son gouvernement devraient être félicités pour avoir mis l’accent sur les grands projets hydroélectriques en vue d’accélérer l’accès à l’électricité. Cette vision est en harmonie avec la plus importante des High 5s de la Banque, à savoir « Éclairer l’Afrique et l’alimenter en énergie » ainsi qu’avec son nouveau Pacte pour l’énergie en Afrique, dont l’objectif est l’accès universel à l’énergie pour tous les Africains à l’horizon 2025 et pour lequel nous investissons la somme record de 12 milliards d’USD et mobilisons par ailleurs 45 à 50 milliards de dollars supplémentaires auprès d’autres sources.
Cela a donc été un plaisir pour moi de visiter le barrage de Lom Pangar et de poser la première pierre de l’usine de pied de Lom Pangar. Il permettra, à partir de cette année, de raccorder au réseau électrique 500 000 ménages supplémentaires, grâce à un appui de la Banque africaine de développement de 62,2 millions d’USD, qui serviront à la construction des lignes de transport et de la centrale électrique dans le cadre du nouveau Pacte pour l’énergie. Ce sera un pas de plus vers l’accès universel à l’électricité qui permettra au Cameroun de porter sa capacité de production d’énergie à 3 000 MW, et de devenir un exportateur net d’électricité.
La visite des projets financés par la Banque africaine de développement est l’un des aspects de mes fonctions que je préfère le plus, puisqu’elle m’offre l’occasion de voir, de mes propres yeux, les effets concrets des décisions de financement de la Banque africaine de développement sur la vie des populations.
Les projets en cours dans le secteur agricole, qui représentent 15 % du portefeuille actuel, sont également bien alignés sur une autre de nos cinq grandes priorités, à savoir « Nourrir l’Afrique ». Dans ce domaine, la Banque africaine de développement et le gouvernement camerounais se sont engagés dans une approche très prometteuse de développement de la chaîne de valeur.
Presque tout peut pousser dans votre pays si fertile, le palmier à huile, les fruits et légumes, les produits horticoles, les plantations, et j’en passe. Bien entendu, l’important est de faire de l’agriculture une source de richesse au Cameroun. À cet effet, nous devons changer de mentalité et percevoir l’agriculture comme une activité commerciale, et encourager les exploitants agricoles à investir dans les nouvelles technologies, machines et autres entreprises au-delà des plantations.
L’agriculture ne peut pas continuer d’être une vieille activité traditionnelle de subsistance. Elle doit devenir la prochaine grande attraction pour les investissements, avec un ensemble de projets bancables qui feront de certains de vos jeunes des millionnaires, grâce à l’innovation et l’entrepreneuriat. C’est pourquoi la Banque africaine de développement compte investir 24 milliards de dollars au cours des dix années à venir, pour éliminer l’agriculture de subsistance et ajouter plus de valeur à la chaîne alimentaire africaine, par des investissements dans le développement de l’agro-industrie.
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La Banque africaine de développement adhère totalement à votre vision de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035, et continuera d’appuyer les efforts que vous déployez pour réaliser la croissance nécessaire à cette émergence.
Et bien évidemment, je suis un grand admirateur de l’équipe de football du Cameroun, les Lions indomptables ! Ils font la fierté de l’Afrique. De la même manière, nous devons rendre « indomptables » la croissance et le développement du Cameroun. Dans cette quête, la Banque africaine de développement a pour rôle de vous aider à marquer encore plus de buts et remporter encore plus de victoires dans le domaine du développement.
- Extraits de l’allocution prononcée par le Dr. Akinwusi Adesina à Yaoundé le 17 juillet 2017 à l’occasion du dîner d’Etat offert par le Premier ministre, chef du gouvernement, Philémon Yang.
- Le président de la Banque africaine de développement a effectué une visite officielle au Cameroun du 15 au 18 juillet 2017