Orano indique « prendre ses dispositions pour essayer de faire durer la société » Somaïr et « de rémunérer ses salariés au Niger le plus longtemps possible », « mais ça ne sera pas éternel »
Le spécialiste français du combustible nucléaire Orano a fini le premier semestre avec une perte de 133 millions d’euros, plombé par les difficultés de ses activités minières au Niger, en raison d’un contexte politique « très dégradé » depuis l’arrivée du régime militaire au pouvoir, il y a un an.
« Ces résultats sont marqués par un événement non récurrent et assez impactant qui est le contexte politique très dégradé au Niger », a résumé le directeur financier du groupe David Claverie.
Malgré la dynamique engendrée par le contexte favorable au nucléaire, qui tire vers le haut les prix de l’uranium naturel et le secteur de la conversion/enrichissement d’uranium, le groupe a enregistré une perte de 133 millions d’euros, après un bénéfice net de 117 millions d’euros au 1er trimestre 2023.
Cette perte est principalement due à « 197 millions d’euros » de « provisions et dépréciations » passées au cours du semestre, a précisé M. Claverie.
Les dépréciations concernent le permis d’exploitation du gisement d’Imouraren, retiré en juin au groupe par les autorités du Niger (69 millions), ainsi que des actifs de sa filiale Somaïr en grande difficulté, la seule mine exploitée par Orano dans le nord du Niger depuis 1971, pour un montant de 105 millions. Le groupe a en outre inscrit 23 millions de provisions pour des risques divers, notamment fiscaux dans le pays.
Un an après l’arrivée du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) au pouvoir, l’unique mine d’Orano en exploitation au Niger dans la région d’Arlit, la Somaïr, se trouve aujourd’hui dans l’incapacité d’exporter sa production de concentré d’uranium, en raison de difficultés logistiques.
Dans ce contexte, la société Somaïr « se retrouve dans une situation de difficulté financière très importante qui risque de la mettre en cessation de paiement à court ou moyen terme, dans les mois qui viennent« , a prévenu le directeur financier.
Orano indique « prendre ses dispositions pour essayer de faire durer la société » Somaïr et de « rémunérer nos salariés (au Niger) le plus longtemps possible », « mais ça ne sera pas éternel ».
« Il y a un petit faisceau d’indices qui nous montrent que les autorités locales ne sont pas du tout dans la situation de faciliter l’exploitation. Le fait de nous avoir retiré le permis est également un signe », a souligné le directeur financier.
Le gouvernement de transition nigérien, qui a fait de la souveraineté un de ses mantras, a plusieurs fois répété qu’il souhaitait revoir en profondeur le système d’exploitation des matières premières sur son sol par des compagnies étrangères.
« Pour être très clair, on n’a aucune prise ni aucune visibilité sur les décisions » que pourront prendre les autorités locales, a dit M. Claverie.
Orano s’est toutefois voulu rassurant sur la sécurité d’approvisionnement des clients, qui « reste assurée grâce à la diversité de ses sources d’approvisionnement », au Canada et au Kazakhstan. Interrogé sur le cas spécifique du groupe nucléaire EDF, qui exploite 56 réacteurs en France, le directeur financier d’Orano explique que l’entreprise « ne s’approvisionne pas seulement auprès d’Orano mais également auprès d’autres miniers qui ont des gisements, notamment en Australie, au Canada également ».
Malgré ses ennuis au Niger, le groupe a confirmé ses perspectives pour la fin d’année, avec un chiffre d’affaires stable autour de 4,8 milliards d’euros et un taux de marge d’EBITDA sur chiffre d’affaires maintenu entre 22% et 24%. Son carnet de commandes s’élève au 30 juin à 31 milliard d’euros représentant 6 années de chiffre d’affaires.
« Nous resterons pleinement mobilisés à la construction du nucléaire de demain et poursuivrons le développement de nos activités dans la médecine nucléaire » et dans le recyclage des batteries, a souligné le directeur financier.