Des solutions du numérique pour une transition énergétique qui pourrait se produire en Afrique comme nulle part ailleurs




Par Rima Le Coguic, directrice du département Transition énergétique et Numérique à l’Agence française de développement (AFD)

 

L’innovation numérique, cruciale face au changement climatique, existe en Afrique. Comme ailleurs, elle est portée par des start-up « greentech » ou « cleantech », malgré un climat des affaires difficile. Certes, l’Afrique subsaharienne ne compte encore que 0,3 start-up pour 1 million d’habitants, contre 43 en France, 36 en Allemagne et 7 en Inde, selon une étude du cabinet de consultants Roland Berger.

Pourtant, le manque de financements, d’incubateurs d’entreprises ou de formations de qualité aux métiers du numérique n’empêchent pas les start-up africaines d’essaimer. Portées par une jeunesse ambitieuse, celles-ci se montrent prêtes à contourner les obstacles, dans la logique de débrouillardise infinie qui est la leur. Parfois pionnière, l’innovation numérique africaine a déjà trouvé, on ne le souligne jamais assez, des solutions reprises par le monde entier.

C’est le cas du système de porte-monnaie électronique M-Pesa, mobile banking en anglais, lancé au Kenya par un groupe local de télécommunications, Safaricom, pour simplifier les transactions courantes. Ou encore d’Uhashidi, un logiciel open source auquel tout le monde peut contribuer. Lancé en 2007, toujours au Kenya, pour signaler et cartographier en temps réel les violences politiques, il est désormais utilisé à travers le monde pour mieux informer les équipes de secours en cas de catastrophe naturelle.

Quel rapport avec le climat ?

Sur le continent, les services « Pay As You Go » (paiement au détail) appliqués à l’énergie solaire changent déjà la donne. Ils rendent cette énergie renouvelable accessible au plus grand nombre. Et qui plus est, à des populations non couvertes par le réseau électrique conventionnel. Ici, des compteurs d’eau à pré-paiement intelligents ont été installés et là, des plates-formes de covoiturage se prêtent au système de transports urbains par taxis collectifs. Au Cameroun, une application dénommée WaitMoi a été développée pour mettre en relation des conducteurs et des passagers souhaitant faire le même trajet… Le concours Digital Africa, lancé par l’Agence française de développement (AFD) en 2016 et conçu pour promouvoir le potentiel d’innovation, a permis d’identifier et d’accompagner des solutions vertes portées par des start-up africaines.

Toutes ces avancées concrètes laissent présager de bien d’autres solutions possibles pour une transition énergétique qui pourrait se produire en Afrique comme nulle part ailleurs. Il est en effet question d’un « leapfrog », un bond technologique qui passe directement aux énergies renouvelables – comme on l’a déjà vu en Afrique avec le passage massif au téléphone mobile sans développement préalable comme en Europe d’un réseau téléphonique de lignes fixes.

À l’avenir, d’autres technologies vont continuer à rendre concrète, au quotidien, la révolution numérique en cours. Le blockchain permettra de sécuriser des transactions de manière décentralisée, certifiant par exemple que le paiement d’une consommation d’énergie solaire a bien été fait. Le big data, de son côté, pourra être utilisé pour optimiser les systèmes complexes, comme les réseaux électriques, et favoriser le développement d’une économie bas carbone.

Le progrès de l’intelligence artificielle permettra à l’avenir de développer, d’optimiser et définir de nouveaux modèles et de nouvelles chaînes de valeur de l’énergie, en amenant plus d’intelligence au niveau des systèmes nationaux, mais également en offrant plus d’échanges de pair à pair et davantage d’optimisation afin d’augmenter la décentralisation des réseaux électriques, modèle qui peut avoir une réelle pertinence en Afrique. Les objets intelligents pourront fonctionner en réseau, être pilotés à distance et donner des informations précieuses, par exemple sur leur consommation d’énergie ou leur durée de vie.

Tous ces outils seront les vecteurs d’une réponse globale, mais aussi africaine, au changement climatique et au développement durable. Cette dynamique exceptionnelle peut et doit servir la lutte contre le changement climatique, avec l’appui du secteur privé, des pouvoirs publics et des bailleurs de fonds.


  • Tribune initialement publiée sur la-croix.com. 

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