L’exploration pétrolière et les projets de développement autour du lac ont été « entachés par une perturbation des modes de vie traditionnels, d’importants délais de paiement des compensations dans l’achat des terres, la dépossession de territoires et des processus de réinstallations opaques », soulignent la FIDH et Oxfam
Quelque 12 000 familles menacées d’expropriation, des écosystèmes en danger: le méga-projet pétrolier mené par le groupe français Total en Ouganda et en Tanzanie comporte des « risques majeurs », ont alerté le 10 septembre dernier des ONG internationales.
Le lancement effectif du projet est attendu avant la fin de l’année.
Dans un rapport intitulé: « Pétrole en Afrique de l’Est: les communautés en danger », la FIDH (Fédération internationale des droits de l’Homme) d’une part et Oxfam de l’autre présentent les résultats de deux études d’impact menées pendant deux ans dans les zones concernées.
Le projet, opéré par Total aux côtés des compagnies chinoise CNOOC et britannique Tullow, prévoit l’exploitation de gisements découverts en 2006 en Ouganda dans la région du lac Albert (projets Tilenga, Kaiso-Tonya), et la construction d’un oléoduc de 1 440 km passant par la Tanzanie (oléoduc d’Afrique de l’Est, East African Crude Oil Pipeline, EACOP).
Ce projet, s’il est mené à bien, « affectera plus de 12 000 familles », a mis en garde une responsable d’Oxfam, Caroline Brodeur, lors d’une conférence de presse en ligne, déplorant que les communautés soient laissées dans l’expectative concernant la perte de leurs terres et leur relogement.
« De nombreuses personnes ont déjà été sévèrement impactées par près de 20 ans d’exploration pétrolière dans la région », souligne le rapport.
L’exploration pétrolière et les projets de développement autour du lac ont été « entachés par une perturbation des modes de vie traditionnels, d’importants délais de paiement des compensations dans l’achat des terres, la dépossession de territoires et des processus de réinstallations opaques », soulignent les ONG. La FIDH fait état d’expulsions et d’acquisitions forcées, avec de faibles compensations.
« Les entreprises provoquent des bouleversements sociaux majeurs – qui touchent particulièrement les femmes – en s’emparant de terres pour faire place au pétrole, souvent sans consultation adéquate » écrit la chercheuse de la FIDH Maria-Isabel Cubides.
En outre, le projet aura des répercussions sur « des écosystèmes extrêmement sensibles dans une région dont la biodiversité est une des plus riches au monde », souligne le rapport. En Ouganda notamment, les gisements de pétrole sont situés au sein de plusieurs réserves naturelles, l’un d’eux s’étend jusque dans les Murchison Falls, le plus grand parc national du pays.
Dans une réaction transmise à l’AFP, Total a rejeté certaines des « allégations » contenues dans le rapport, notamment concernant les pressions sur des activistes, mais s’est dit déterminé à « poursuivre le dialogue utile » avec les ONG et les communautés, et à prendre en compte certaine de leurs recommandations.
Le géant pétrolier et gazier assure dialoguer avec la FIDH et Oxfam depuis plus d’un an et avoir même contribué à l’élaboration des rapports.
« Total est engagé auprès des communautés depuis le début des projets et accueille favorablement, dans plusieurs domaines, les recommandations des rapports, qui pour certaines avaient déjà été engagées et pour d’autres feront l’objet d’un travail d’analyse quant à leur faisabilité et leur mise en oeuvre », indique le groupe.
Total est déjà attaqué en justice en France par six ONG qui l’accusent de ne pas prendre en compte les impacts du projet sur les populations et l’environnement. Le tribunal de commerce de Nanterre, en banlieue parisienne, doit se prononcer le 28 octobre.