Adjacentes, les deux cascades sont situées sur le Nil Victoria, la partie du Nil blanc s’écoulant entre les lacs Victoria au sud et Albert, tout proche, à l’ouest
Le gouvernement a déclenché un tollé en annonçant fin novembre qu’il autorisait un consortium dirigé par la compagnie Bonang Power and Energy à mener une étude de faisabilité sur la construction d’un barrage d’une capacité de 360 mégawatts dans le parc national des Murchison Falls, dans le nord-ouest de l’Ouganda; un des plus beaux spectacles naturels d’Afrique.
Mais si le barrage devait initialement être posé sur Murchison, il est désormais prévu sur Uhuru Falls. Adjacentes, les deux cascades sont situées sur le Nil Victoria, la partie du Nil blanc s’écoulant entre les lacs Victoria au sud et Albert, tout proche, à l’ouest.
Un peu moins haute et impressionnante que Murchison, et créée en 1962 par des pluies diluviennes, Uhuru n’en est séparée que par une bande rocailleuse de quelques dizaines de mètres de large, qui divise le cours du Nil.
« On ne peut pas juste dire oui ou non sans une étude de faisabilité », justifie le ministre du Tourisme, Godfrey Kiwanda. « Ce qui a conduit le gouvernement à revenir sur sa position qui consistait à juste dire non, c’est de considérer qu’il faut justifier notre non ou notre oui par la science », a-t-i assuré à l’AFP. La proximité entre les deux chutes n’a rien fait pour rassurer les opposants au projet, pour qui il est impossible de toucher à l’une sans affecter l’autre. Et le manque de références de Bonang, une obscure compagnie sud-africaine, a fait naître des soupçons de malversation.
Le parc national des Murchison Falls est un espace naturel protégé, doté d’une exceptionnelle biodiversité. Il abrite notamment un système de zones humides d’importance internationale classifié Ramsar. C’est aussi le deuxième parc le plus visité d’Ouganda.
Il a déjà souffert d’un projet pétrolier mené par la compagnie française Total dans sa partie ouest, et est balafré ailleurs par de larges routes, en partie bitumées, destinées à amener les touristes au plus près des animaux et des chutes.
Les détracteurs du projet craignent ses conséquences pour le tourisme, dans un parc qui a accueilli 75 000 visiteurs en 2016. Or, le tourisme est la principale source de devises étrangères du pays et contribue à hauteur d’environ 9% du PIB. « Quand vous touchez aux Murchison Falls et que vous les sortez de l’équation du tourisme en Ouganda, alors vous tuez l’industrie tout entière », argue Benedict Ntale, vice-président de l’Organisation ougandaise des tour-opérateurs.
En quelques décennies, plusieurs chutes sur le Nil ont disparu au profit de barrages, la plus récente étant Karuma Falls, à l’entrée du parc des Murchison Falls. Un autre barrage, qui deviendrait le plus grand du pays (840 MW), est aussi prévu à Ayago, à l’intérieur du parc. « Nous avons tellement perdu. Nous ne pouvons pas tout perdre », s’alarme M. Ntale. « Pourquoi est-ce qu’on n’épargne pas Murchison ? Est-ce qu’on va mettre des barrages partout sur le Nil ? »
Actuellement, seuls 26% des Ougandais sont raccordés au réseau électrique général. Le gouvernement espère porter ce chiffre à 80% en 2040.
Les opposants répondent qu’il existe d’autres sites moins controversés pour des barrages et d’autres sources d’électricité, l’hydroélectricité comptant déjà pour 80% du total.