Les disputes autour du contrôle de la Banque centrale de Libye, qui gère la manne pétrolière et le budget de l’Etat, ont conduit les autorités de l’est du pays à suspendre la production et les exportations pétrolières qu’elles contrôlent à près de 90%
Le blocus pétrolier décrété en Libye lundi 26 août « jusqu’à nouvel ordre » a réduit de moitié les volumes de production quotidiens, à environ 600 000 barils par jour, a indiqué le 29 août la NOC, la compagnie pétrolière nationale, dans un communiqué. En cause: les batailles autour du contrôle de la Banque centrale de Libye (BCL).
Le gouverneur de la BCL, Seddiq el-Kebir, a assuré, dans une interview au Financial Times, vendredi 30 août, avoir fui son pays avec d’autres employés pour « protéger (leurs) vies », face à de possibles attaques de groupes armés.
La BCL, institution cruciale qui gère la manne pétrolière et le budget de l’Etat, fait l’objet d’une lutte de pouvoir entre les deux camps qui se disputent le contrôle de la Libye.
En proie au chaos depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est gouvernée par deux exécutifs rivaux: celui d’Abdelhamid Dbeibah installé à Tripoli (ouest) et reconnu par l’ONU, et un autre dans l’est, soutenu par le puissant maréchal Khalifa Haftar.
Lundi 26 août, une commission dite « de passation de pouvoirs » est entrée dans les locaux de la BCL à Tripoli, en application d’une décision des autorités de Tripoli, pour prendre la place du gouverneur Seddiq el-Kebir.
Dans une riposte immédiate, le camp de l’est a annoncé la suspension de la production et des exportations pétrolières qu’il contrôle à près de 90%.
Selon M. el-Kebir, des groupes armés ont alors commencé à intimider le personnel de la BCL pour l’obliger à se rendre à son travail, contraignant aussi le gouverneur à s’enfuir vers un lieu tenu secret.
« Les milices menacent et terrorisent le personnel de la Banque et vont parfois jusqu’à enlever leurs enfants et leurs proches pour les forcer à aller travailler », a déclaré M. el-Kebir au FT dans un entretien téléphonique.
Le patron de la BCL a également affirmé au FT que les tentatives d’Abdelhamid Dbeibah pour le remplacer étaient illégales et non conformes aux accords négociés par l’ONU, qui prévoient une entente entre les gouvernements de l’est et de l’ouest sur le nom du gouverneur.
Le gouverneur el-Kebir, en poste depuis 2012, était dernièrement critiqué par l’entourage de M. Dbeibah pour sa gestion de la manne pétrolière, considérée comme trop favorable au clan Haftar.
Jeudi, la BCL a affirmé que « le principal réseau fonctionne de nouveau normalement », après que « la direction précédente avait bloqué et perturbé les systèmes de transactions bancaires ».
Mardi 27 août, le gouverneur par intérim, Abdel Fattah Ghaffar, un banquier à la longue expérience dans le public et le privé, a dit en conférence de presse avoir, avec sa nouvelle équipe, « rassuré le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale sur (leur) engagement à respecter les législations nationales et internationales ».
La Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) et les Etats-Unis ont pressé les parties en présence de résoudre cette crise majeure, mettant en garde contre un risque d' »effondrement financier et économique » du pays.
Vendredi, la délégation européenne en Libye s’est dite « sérieusement préoccupée » par la situation, dans un communiqué, appelant à « une solution négociée » et à lever « l’état de force majeure sur tous les gisements pétroliers ».