Par Marie-Hélène Miauton, Chroniqueuse pour le journaliste suisse Le temps
Il se dit beaucoup de choses à propos des énergies qui, faute de cohérence, interpellent durablement le public. A certaines contradictions flagrantes, on répond souvent que «c’est plus complexe que ça» et qu’il ne faut pas «être réducteur». Soit, mais expliquez-moi par exemple en quoi le gaz, dont le logo est une jolie petite feuille vert printemps, est plus «naturel» que les autres hydrocarbures auxquels il appartient, tous résultant de la lente transformation de matières organiques.
Bien sûr, le gaz naturel brûle avec un dégagement de dioxyde de carbone moitié moindre que celui du mazout de chauffage ou de l’essence de voiture, ce qui permet de le considérer comme plus propre. Mais c’est oublier que son extraction ne se fait pas sans fuites de méthane dans l’atmosphère, gaz vingt-cinq fois plus dangereux pour le réchauffement climatique que le CO2. Ce problème, important surtout depuis la fracturation des schistes, péjore nettement l’empreinte globale du gaz naturel et les rots de nos pauvres vaches semblent du pipeau à côté!
Le courant allemand
Parlons aussi des voitures électriques qu’on nous enjoint d’acheter pour mieux participer à la sauvegarde de la planète, en même temps qu’on nous demande d’économiser l’électricité et qu’on prône la fameuse «société à 2000 watts». J’admets qu’à l’usage un tel véhicule sera plus «propre», mais c’est omettre (volontairement?) la question des batteries. Leur fabrication est en effet très vorace en énergie et surtout en métaux rares (cobalt, lithium, graphite), dont il semble que les réserves mondiales soient autrement plus réduites que celles du pétrole. Il y a là un tour de passe-passe, sans oublier que l’électricité consommée par l’automobile est elle-même partiellement produite avec du gaz ou, pire encore, du charbon!
Je suis aussi choquée de voir nos barrages hydroélectriques mis à l’encan alors qu’ils fournissent une énergie à la fois renouvelable et propre. C’est qu’ils ne sont plus rentables, me dit-on, depuis que l’Allemagne met sur le marché (libéralisé pour les gros clients depuis 2009) des kWh à prix cassés en raison de son subventionnement massif des énergies renouvelables. Pourtant, je croyais que, dans un marché ouvert et soumis aux règles de la libre concurrence, les Etats devaient s’abstenir d’intervenir. Voilà qui laisse perplexe, d’autant plus que les ménages allemands, eux, paient leur électricité à un des prix les plus élevés du monde. Allez y comprendre quelque chose! Mon étonnement augmente encore en sachant que le courant allemand est produit à 54% avec des énergies fossiles (dont le sulfureux lignite), 13% de nucléaire et 29% seulement de renouvelable, contre 60% en Suisse.
Ne pas tout croire
Les éoliennes sont également un sujet d’interrogations. En raison des oppositions d’une population égoïste, nous dit-on, le parc suisse ne se développe pas comme il devrait. Mais est-ce là le vrai problème? Faute d’ouverture sur la mer du Nord comme l’Allemagne, le Danemark ou la Grande-Bretagne, là où les vents sont forts et constants, nos grands moulins sont plus souvent à l’arrêt qu’en train de brasser de l’air. Il semble d’ailleurs que l’énergie réellement produite une fois les engins installés soit bizarrement inférieure à celle annoncée au moment d’en vanter l’implantation.
Dès lors, la productivité réelle de l’éolien en Suisse est faible quoique systématiquement surestimée, de même que sa rentabilité, malgré de juteuses subventions! Malgré tout, la Stratégie énergétique 2050 voudrait que le vent constitue plus de 10% de notre mix, alors qu’on en est aujourd’hui à 0,2% à peine? Le solaire semble beaucoup plus prometteur.
Conclusion, il ne faut pas croire tout ce qu’on nous dit! Les questions énergétiques sont compliquées, soit, mais elles sont surtout instrumentalisées, parfois dans les meilleures intentions écologiques du monde. Or, il est tout aussi urgent de ne pas mourir idiot que de sauver la planète.
- Texte initialement publié sur le site du journal suisse Le Temps