Les ONG – les Amis de la Terre, Survie, AFIEGO, CRED, NAPE et NAVODA – s’alarment des conséquences des projets baptisés Tilenga et EACOP, parlant d’accaparement des terres et de menaces sur la biodiversité
Total assume-t-il son « devoir de vigilance » ? Le tribunal de Nanterre se prononcera le 30 janvier prochain dans un dossier relatif aux activités en Ouganda du groupe pétrolier français, accusé par six organisations non-gouvernementales (ONG) de ne pas prévenir et réparer correctement les impacts « désastreux » de deux méga-projets sur les populations et l’environnement.
Le tribunal de grande instance de Nanterre s’est penché jeudi, 12 décembre, sur la première action en justice basée sur la loi dite du « devoir de vigilance », initiée par six ONG françaises et ougandaises.
Cette procédure concerne deux projets opérés par Total aux côtés des compagnies chinoise CNOOC et britannique Tullow : le forage de 419 puits de pétrole près du Lac Albert en Ouganda et la construction d’un oléoduc de 1445 km traversant ce pays et la Tanzanie voisine.
Les ONG – les Amis de la Terre, Survie, AFIEGO, CRED, NAPE et NAVODA – s’alarment des conséquences de ces projets baptisés Tilenga et EACOP, parlant d’« accaparement » des terres et de « menaces » sur la biodiversité.
Elles ont assigné le groupe en référé (urgence), estimant qu’il ne respecte pas la loi dite du « Rana Plaza », du nom de l’immeuble qui s’est effondré en 2013 au Bangladesh, causant la mort de 1.138 ouvriers.
Votée en 2017, elle impose aux multinationales d’établir un « plan de vigilance » destiné à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains » et « l’environnement » chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l’étranger.
Pour les ONG, celui de Total est insuffisant. « Il n’y a rien dans ce plan, tout simplement parce que Total veut échapper à ses responsabilités. Il ne met pas de mesures de vigilance, comme ça il n’a pas à rendre compte de leur mise en oeuvre », a plaidé Me Louis Cofflard.
Parmi les près de 5 000 personnes concernées par une première phase du projet Tilenga, géré par une filiale, des « populations ont été privées du droit d’accès à leur terre avant le versement d’une indemnisation », a plaidé Me Céline Gagey, décrivant « famines » et « intimidations ».
« Le plan de vigilance de Total existe, il est adéquat, conforme aux exigences du législateur », a répliqué Me Antonin Levy pour Total, qui a par ailleurs contesté la compétence du tribunal et le choix d’une procédure en référé.
« Lorsque des difficultés ont été remontées, [la filiale de Total] a pris des mesures de remédiation », a-t-il affirmé, « les personnes ont été invitées à revenir sur leurs terres pour cultiver du maïs ». « Il y a au sein de Total SA et de sa filiale un suivi complet des droits humains », a-t-il assuré.
A l’issue de près de trois heures d’audience, le tribunal a décidé de ne pas entendre les témoins proposés par les parties.