Disparités électriques en Afrique




Par Romain Chicheportiche, Directeur-fondateur chez Infocan

 

La conférence organisée mi-novembre par Business France et GreenUnivers à Paris a permis de dresser un tableau actualisé de la situation africaine.

Le continent est le moins électrifié du monde avec un taux moyen de 42%. Ce chiffre cache néanmoins de fortes disparités entre les pays et les régions.

Les pays sub-sahariens présentent des taux extrêmement faibles (4,5% pour le Soudan du sud, 8% au Tchad) tandis que les pays du Maghreb sont tous au-dessus de 90%, tout comme l’Egypte et l’Afrique du sud.

Au sein même des pays, le clivage ville/campagne est lui aussi très important. Les quelque 620 millions d’africains vivant sans électricité se trouvant majoritairement en zones rurales. Tirer des lignes électriques pour étendre le réseau haute-tension existant coûte cher et ne s’avère généralement pas rentable.

Les besoins d’énergie sont particulièrement importants en Afrique de l’Ouest en raison d’un phénomène de rattrapage (+10/15% par an de la consommation) suite à une dizaine d’années de crise économique et/ou politique. Dans la région, la Côte d’Ivoire fait office de hub énergétique. La diversification de son économie l’a relativement préservé des crises et le pays exporte de l’énergie à ses voisins. Dans le cadre de la COP21, la Côte d’Ivoire s’est engagé sur la voie des énergies renouvelables (Enr) en promettant d’hybrider 51 centrales existantes et en mettant en place un début de cadre réglementaire pour les Enr. Le potentiel éolien étant relativement faible dans cette région, le solaire devrait prendre une part significative des nouvelles installations.

En Afrique de l’Est, les pays tels que le Kenya, Tanzanie, Ouganda, Rwanda ou Ethiopie sont des marchés scrutés de près par les acteurs de l’énergie. Les économies sont plus diversifiées qu’à l’Est et affichent des croissances significatives depuis les 10 dernières années (4,9%/an en moyenne). Selon Xavier Chatte-Ruols, directeur du bureau Afrique de l’Est à Business France, l’Ethiopie notamment devrait devenir « un monstre économique dans 10-15 ans » dont les besoins en énergie, déjà largement couverts par l’hydroélectricité, devraient l’être par le triptyque : eau-vent-soleil. Les entreprises chinoises, bien implantées dans le BTP, sont encore peu présentes dans le secteur énergétique ce qui laisse encore des marges de manœuvres aux acteurs français. Un projet d’union douanière couvrant ces 5 pays prévoit de réduire les barrières douanières pour favoriser le développement économique de la région.

Le potentiel de l’off-grid

Malgré quelques grands projets renouvelables, l’Afrique peine à développer ces grandes infrastructures qui nécessitent des réseaux solides et étendus et de lourds financements. C’est pourquoi de nombreuses entreprises ont préféré miser sur les solutions hors-réseau. C’est le cas d’upOwa, société franco-camerounaise qui propose des kits solaires pour les villages ruraux. Ils sont composés de panneaux photovoltaïques de 5 à 30 Watts, d’une batterie, de lampes torches, d’une radio et d’un téléphone. Ce dernier est indispensable car c’est lui qui permet de réaliser les paiements. « C’est le concept pay-as-you go. Les familles ou petits commerces contractent un crédit sur 1 à 3 ans pour rembourser le kit. En cas de non paiement, le kit arrête de fonctionner », explique Caroline Frontigny, cofondatrice d’upOwa. Un système inspiré du leader africain du secteur, M-Kopa, qui a écoulé ainsi plus de 500 000 kits solaires sur le continent !

Très adaptés à son public, les kits solaires nécessitent en revanche la mise en œuvre d’un important réseau de distribution. « C’est un véritable défi car dans certains de ces villages, il n’y a que Coca Cola qui est présent », remarque Caroline Frontigny.

Par ailleurs, un service financier de type micro-crédit est indispensable pour convaincre des utilisateurs aux revenus très faibles. Mais grâce à l’arrivée des nouveaux acteurs de l’off-grid, le prix des kits a déjà été réduit de 50%. Et leur utilisation devrait aller plus loin que la seule télévision avec une multiplication des usages de l’énergie, tel que des kits avec pompe à eau.

L’accès à l’eau est en effet une autre problématique centrale en Afrique.


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