La société polonaise Saule Technologies fait construire un site de production à l’échelle industrielle à Wroclaw. Le géant du BTP suédois Skanska vient de signer avec Saule un contrat d’exploitation de cette technologie sur tous ses marchés en Europe, aux États-Unis et au Canada
Des panneaux solaires légers, souples, efficaces, à taux de transparence et à teinte variables, bon marché, qu’on peut poser facilement sur un laptop, une voiture, un drone, un vaisseau spatial ou un bâtiment, même à l’intérieur. Le rêve d’écologiste s’incarne dans un projet industriel lancé par la jeune chercheuse et femme d’affaires polonaise Olga Malinkiewicz.
Encouragée par deux hommes d’affaires polonais, elle a fondé avec eux à Wroclaw (sud-ouest de la Pologne) la société Saule Technologies, du nom d’une déesse païenne balte régnant sur le soleil, la terre et le ciel. Improvisée au départ, soutenue « au bon moment » par le multimilionnaire japonais Hideo Sawada, sa société est fière aujourd’hui de ses laboratoires très modernes à l’origine de sa « formule magique » d’encre de pérovskite et fait construire un site de production à l’échelle industrielle à Wroclaw.
« Ce sera la première chaîne au monde basée sur cette technologie. Sa capacité atteindra 40 000 m2 de panneaux à la fin de l’année et 180 000 m2 un an plus tard. Mais c’est une goutte d’eau dans l’océan de la demande », indique Mme Malinkiewicz, interrogée par l’AFP. À terme, des chaînes de production compactes pourront être installées partout, suivant la demande, pour fabriquer des panneaux « cousus sur mesure ».
Le géant du BTP suédois Skanska, qui en fait des tests en conditions réelles sur un immeuble à Varsovie, vient de signer avec Saule un contrat d’exploitation de cette technologie sur tous ses marchés en Europe, aux États-Unis et au Canada.
« La technologie des pérovskites nous rapproche de l’objectif des bâtiments autosuffisants en énergie », dit à l’AFP Adam Targowski, responsable du développement équitable chez Skanska. « Les pérovskites font leurs preuves même sur les surfaces peu exposées au soleil. On peut les appliquer quasiment partout. Plus ou moins transparents, les panneaux répondent aussi aux exigences du design. Grâce à leur souplesse et leurs teintes variables, pas besoin de construire des supports supplémentaires, d’intervenir sur la forme ou le dessin du bâtiment », explique-t-il.
Un panneau standard d’environ 1,3 m2, au coût attendu de 50 euros et au rendement comparable aux panneaux classiques, approvisionnera en énergie un poste de travail en bureautique à longueur de journée, selon les estimations actuelles. Un autre test grandeur nature a été lancé sur un hôtel au Japon, près de Nagasaki.
« À notre avis, les cellules solaires pérovskites ont le potentiel de remédier à la pauvreté énergétique mondiale », déclare à l’AFP Mohammad Khaja Nazeeruddin, professeur à l’Institut des sciences et ingénierie chimique à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, à la pointe de la recherche sur l’énergie photovoltaïque.
En quelques années seulement, « les pérovskites ont fait un long chemin, souligne le professeur Nazeeruddin, qui avait par le passé collaboré avec Mme Malinkiewicz. Leur efficacité étant passé de 3,8% à 23,7% », un taux comparable à celui des panneaux classiques en silicium.
A l’origine
Les pérovskites furent décrites déjà dans les années 1830 par l’Allemand Gustav Rose qui faisait ses recherches dans l’Oural. C’est lui qui a donné à sa découverte ce nom étrange de pérovskite, en l’honneur du minéralogiste russe Lev Perovski.
Initialement considérée comme un minéral, la pérovskite désigne aujourd’hui une structure atomique particulière, répandue dans la nature et facile à obtenir en laboratoire. Il a fallu attendre 2009 et les travaux du chercheur japonais Tsutomu Miyasaka, poursuivis par d’autres, notamment à l’Université d’Oxford et à l’EPFL, pour découvrir l’aptitude des pérovskites à former des cellules photovoltaïques.
Un pas crucial est fait en 2013 par Olga Malinkiewicz, alors doctorante à l’Institut des sciences moléculaires (ICMol) de l’Université de Valence, en Espagne. En marge de ses études, elle crée une cellule photovoltaïque en posant une couche de pérovskites par évaporation, et finalement par simple impression à jet d’encre.
« C’était en plein dans le mille ! Plus besoin de hautes températures pour mettre une couche photovoltaïque sur tout type de support ! », raconte à l’AFP cette jeune femme blonde enthousiaste et souriante. Sa découverte lui a valu un article dans la revue Nature, une vague de commentaires scientifiques et médiatiques, mais aussi le prestigieux prix du concours Photonics 2, organisé par la Commission européenne, et un autre du MIT.