Pourquoi la Banque mondiale soutient la promotion d’appareils de cuisson propres




Par Riccardo Puliti, Directeur principal du pôle Énergie et industries extractives à la Banque mondiale

 

« Pourquoi est-ce que je pleure quand tu cuisines à l’intérieur ? », demande la fillette à sa mère, Mamta, qui prépare du riz et des lentilles sur leur chula, le fourneau à bois.

La fumée qui s’échappe du bois remplit rapidement la petite pièce de leur maison dans le village de Siraj Nagar, aux alentours de Dhaka, au Bangladesh. La plupart des habitants préparent leurs repas sur des chula et exposent ainsi des familles entières à des émanations nocives.

Comme Mamta, près de 3 milliards de personnes dans le monde utilisent toujours des appareils de cuisson et de chauffage traditionnels et inefficaces fonctionnant au bois, au charbon de bois, à la houille, au fumier animal ou aux résidus agricoles. Le coût pour la santé, l’environnement et l’économie de ce recours continu aux combustibles fossiles est exorbitant, puisqu’il est estimé à 123 milliards de dollars par an. Les femmes et les enfants sont les premières victimes sur le plan de la santé, sachant que c’est également à eux qu’incombe le plus souvent les corvées de ramassage. À eux seuls, les combustibles ligneux non renouvelables émettent pratiquement une gigatonne de CO2 par an, soit entre 1,9 et 2,3 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) dans le monde.

La conversion à des moyens de cuisson propres et efficients peut améliorer la santé publique, réduire la pollution de l’air par des substances toxiques, accroître la productivité et protéger l’environnement. Mais la conversion des pratiques des ménages du monde entier est plus complexe qu’il n’y paraît. Il faut certes faire évoluer les comportements et sensibiliser aux bienfaits des appareils de cuisson et des combustibles propres mais il faut également aider les entreprises à répondre à cette nouvelle demande avec des produits bon marché appréciés des clients.

Bien consciente du problème, la Banque mondiale renforce son soutien depuis quelques années. Aujourd’hui, elle gère un portefeuille de 130 millions de dollars dans 13 pays en appui aux appareils de cuisson et de chauffage propres — l’un des plus importants au monde. Avec ses partenaires et à travers son Programme d’assistance à la gestion du secteur énergétique (ESMAP), elle déploie une stratégie en plusieurs volets, conjuguant approches de marché, technologies de cuisson efficientes, prix plus abordables, création de chaînes logistiques et évolution des comportements des consommateurs.

Les programmes mis en place en Chine, en Éthiopie, en Indonésie, au Kenya, en Ouganda ou au Sénégal ont déjà bénéficié à 11 millions de personnes, qui ont désormais accès à des solutions plus propres et efficientes pour cuisiner et se chauffer.

Les effets sur la vie quotidienne des bénéficiaires sont innombrables : en Indonésie par exemple, Tami cuisine désormais principalement avec son Keren Super Stove, qu’elle a pu obtenir grâce à un programme soutenu par la Banque mondiale. Libérée des longues corvées de bois et de cuisine, la jeune femme de 24 ans, mère de deux enfants, peut ainsi passer plus de temps avec sa famille. Quant à Yeni, une autre Indonésienne qui utilisait jusque-là du kérosène, elle s’est équipée d’un réchaud propre et, grâce aux économies réalisées, peut envoyer ses enfants à l’école.

Grâce à son programme de financement axé sur les résultats, la Banque mondiale a aidé des entreprises privées à pénétrer le marché des appareils de cuisson propres en Chine, en Mongolie, en RDP lao, au Bangladesh, en Ouganda et au Kenya. En Indonésie, un projet pilote a accordé des incitations à dix fournisseurs privés pour assurer la distribution de 10 000 appareils de cuisson propres. Les innovations en termes de technologies et de prestations donnent un coup de fouet à toute la filière. Plusieurs fabricants internationaux ont conçu des appareils sophistiqués et efficients à biomasse, qui peuvent réduire sensiblement les émissions de substances nocives pour la santé.

Faciliter la transition vers des moyens de cuisson et de chauffage propres concourt aux objectifs fondamentaux du développement, qu’il s’agisse d’améliorer la santé des populations, de réduire la pollution atmosphérique ou de permettre aux mères de passer plus de temps avec leurs familles et d’avoir une activité rémunératrice. Aujourd’hui, nous voulons passer à l’échelle supérieure, grâce à des stratégies de marché novatrices et à travers la mobilisation du secteur privé, en tirant les leçons de notre engagement de longue date dans ce secteur.

Gazinière © Droits réservés

Aujourd’hui, la priorité est aux normes de qualité et aux combustibles propres qui, comme le gaz, peuvent entraîner d’importants bénéfices en termes de santé et d’environnement. En RDP lao, un programme de financement axé sur les résultats de la Banque mondiale vise à introduire 50 000 « fourneaux ultra-propres », des gazinières dernier cri conformes aux normes de l’Organisation mondiale de la santé pour la qualité de l’air ambiant. Selon une étude récente sur les bénéfices sanitaires des appareils de cuisson à faible émission réalisée en RDP lao, ces fourneaux réduisent la pollution moyenne dans les cuisines, la consommation de combustibles par habitant et l’exposition des cuisiniers à un air pollué — à condition de ne plus utiliser d’autres appareils. L’étude a également constaté que, sur le long terme, leur utilisation pourrait réduire le nombre de décès prématurés de plus de 20 %.

La Banque mondiale entend également maximiser les financements au secteur. Pour cela, elle lève des fonds additionnels auprès de partenaires pour permettre aux modes de cuisson propres d’avoir un impact significatif sur le développement.

La Carbon Initiative for Development (Ci-Dev) vient par exemple de conclure pour 37,8 millions de dollars de contrats d’achat visant à réduire les GES, à travers six projets pour des appareils de cuisson propres en Afrique, projets qui devraient bénéficier à 670 000 ménages (soit plus de 3 millions de personnes). Elle contribue par ailleurs à mobiliser 74 millions de dollars auprès d’opérateurs privés.

En soutenant des initiatives locales d’installation d’appareils de cuisson propres, la Banque mondiale participe à l’amélioration des conditions de vie des populations. Au Bangladesh, elle a appuyé un programme administré par Infrastructure Development Company Limited pour l’installation de fourneaux propres dans les foyers, qui a atteint un million d’unités en janvier 2017, pratiquement deux ans plus tôt que prévu. Les appareils étant fabriqués par des entreprises locales et commercialisés par des organisations partenaires sur place, ce programme a pu créer des emplois.

Grâce à la toute nouvelle Communauté de pratiques lancée par l’ESMAP et la Global Alliance for Clean Cookstoves — une plateforme ouverte à tous — ces enseignements et bien d’autres expériences réussies peuvent désormais être partagés entre experts et praticiens du monde entier.


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