Pourquoi augmenter les financements verts. Point de vue d’un banquier




Par Philippe Brassac, Directeur général du Crédit Agricole S.A. – ‎Groupe Crédit Agricole

 

La COP21 de décembre 2015 à Paris a été l’occasion d’une forte implication des milieux d’affaires aux côtés des décideurs politiques et des acteurs de l’environnement. Le défi est aujourd’hui d’entretenir et d’amplifier cette dynamique ainsi que les engagements concrets qui en découlent pour accompagner les transitions énergétiques et carbone. C’est à cette condition que Paris sera la capitale mondiale de la Finance verte et durable.

Deux ans après la COP 21, le Climate Finance Day, qui a lieu à Paris le 11 décembre et le sommet « One Planet », organisé par la Présidence le 12 décembre, sont l’occasion pour les acteurs de la finance et les dirigeants politiques de faire le point sur les avancées en matière de Finance verte.

Les banquiers doivent s’adapter et entrainer

Nous banquiers, comme nos clients, sommes confrontés au changement climatique, qui nous impose de nous adapter, tant dans nos comportements que dans nos expertises et la pratique de nos métiers. Notre rôle est d’accélérer les transitions et d’accompagner les changements de modèles économiques qui en résultent. La transition climatique constitue l’un des défis majeurs de notre siècle.

Notre métier est celui d’accompagner de manière réaliste mais exigeante nos clients dans cette transformation, dans la durée, en apportant des solutions adaptées et innovantes selon notre compréhension des enjeux.

C’est en partant de cette logique que Crédit Agricole a été à l’initiative des green bonds et green loans pour lesquels nous nous engageons désormais à hauteur de 100 milliards d’euros pour la période 2016-2020. Nous déclinons la même logique en matière de gestion des risques : plutôt que d’abandonner des pans entiers de l’économie et d’en laisser le financement à des acteurs peu ou moins déterminés à favoriser la transition énergétique, nous préférons travailler avec ces entreprises pour les engager dans des modèles plus durables. Ainsi, nous estimons utile de rester un acteur important du secteur de l’énergie mais légitime d’exclure les activités liées aux hydrocarbures ayant les rendements énergétiques les plus faibles et présentant les dangers potentiels les plus importants pour l’environnement.

Nous devons jouer un rôle d’entrainement déterminant, au cœur de l’économie. En finançant un quart de l’économie française, le groupe Crédit Agricole ne peut s’exonérer de ses responsabilités. Plus généralement, les banques françaises se sont collectivement engagées sur le respect d’une trajectoire de limitation de l’augmentation des températures de 2 degrés d’ici la fin du siècle et c’est cet objectif que nous devons avoir à l’esprit. Ce sont elles en effet qui peuvent influer efficacement sur l’économie mondiale.

La voie à suivre est donc simple et c’est celle que le groupe Crédit Agricole emprunte aujourd’hui : augmentation des financements verts, intégration systématique et progressive des dimensions environnementale et climatique dans l’évaluation des projets à financer, exclusion des projets les plus impactants pour l’environnement et compensation de notre empreinte carbone directe.

Les initiatives du secteur méritent d’être soutenues

Nous sommes des acteurs clé du financement des grandes infrastructures vertes dans le monde. Nous innovons, en matière de finance verte, et avons développé au sein du groupe Crédit Agricole des expertises de premier ordre. Elles nous permettent d’être la 1ère banque des énergies renouvelables en France. C’est bien évidemment le cas sur l’éolien ou le photovoltaïque mais également sur des techniques plus complexes telles que la méthanisation. Ces expertises nous permettent aussi d’évaluer au mieux les risques et d’ajouter des critères climatiques aux critères environnementaux, sociaux et éthiques déjà en place au sein de nos procédures.

Si nous savons où nous allons, nous ne sommes pas pour autant gendarmes, ou arbitres des choix politiques. Le secteur bancaire français est particulièrement sensible à ces enjeux. Mais un cadre règlementaire et prudentiel mieux adapté pourrait maximiser notre impact. Comment justifier qu’à l’heure actuelle, le financement d’actifs tels que l’éolien, le photovoltaïque, ou l’efficacité énergétique, contribuant tous à la diminution d’un risque collectif, celui du changement climatique, soient soumis aux mêmes exigences prudentielles que le financement d’autres actifs?

Les engagements de la COP21, conjugués à la pression positive de la société, font que les banques françaises ont un temps d’avance sur leurs homologues mondiaux.

L’engagement politique des autorités est indéniable. Un cadre réglementaire et prudentiel adapté nous permettrait conserver cette avance, et de continuer à innover et affecter les ressources nécessaires pour relever le défi du changement climatique.


  • Tribune initialement publiée sur zonebourse.com

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